10.5.06

Ouékoumédia. Discours d’Istratant Slamuit, La réforme sociale du 29 Septembre 2158.



Estelle était chez elle. Elle regardait l’allocution des deux hommes. Elle se demandait qui pouvait bien être Istratant et ne comprenait pas. Elle rentrait tout juste de la fac. Ses examens se passaient bien. Normalement, elle aurait son diplôme sans trop de casse se disait-elle. Elle, qui habitait avec sa tante. Une maison entièrement recouverte de zinc. Elle devait aller rejoindre Nicolas sur les barricades. C’était le temps des manifestations des « Jeunes » comme le disaient les médias. Le mouvement battait grand train et Nicolas était à la tête des contestations. La crise économique actuelle lui faisait très peur et elle avait consultée sur Internet tous les sites regroupant analyses et prospections pour l’avenir proche de sa génération. Mais-elle n’y avait rien compris de plus qu’a la lecture d’une partition de Wagner.

Son téléphone portable sonna. C’était Irma, la fille d’Istratant.
- Estelle, c’est terrible. Nous allons devenir des non-citoyens. Ils sont en train de changer les constitutions, les réformes fusent, l’état disparaît.
- Attends, calme toi. Ton père travaille sur le projet. Ne t’affole pas comme ça. On se rejoint avec Nicolas devant le bureau de quartier.

En raccrochant, elle se rend compte qu’elle vient de recevoir un message. Un message de Nicolas qui lui disait de ne pas venir ; que les choses tournaient mal, et qu’il lui recommandait de se cacher.

Estelle se retourne et regarde la télé à ce moment. Un hélicoptère filme la place du bureau de quartier. Plus de 10 000 manifestants sont là, entourés par des cars de police. Éparses, des fumeroles et de petites explosions disent l’instabilité qui règne. La police charge dans la foule et la scène devient d’une violence jamais montrée à la télévision. Deux hélicoptères entourent alors celui de la chaîne de télévision, la caméra montre qu’ils sont armés. On aperçoit un missile qui part en direction de la place et l’image disparaît. Le programme est coupé. Sur l’écran, on peut lire :
« Ouékoumène, la télévision qui vous éclaires »
Ouékoumène V 1.0
La voix d’un présentateur explique :

- Les médias sont dorénavant la propriété de tous. Les manifestations vous seront commentées dans la soirée. Nous avons gagné !

Stupéfaction d’Estelle. Ses mains sont sur sa bouche. Le bruit d’une explosion se fait entendre dehors. Elle sort et aperçoit un hélicoptère qui fond vers ce qu’elle devine être la place de la manifestation. Celui des média, lui, pique vers une rue et s’écrase semble-t-il. Horrifiée, elle commence à pleurer. Elle voit un nuage de fumée gris disparaître dans les airs au-dessus de la place.
- Nous avons gagné !
- Non, ce n’est pas possible. C’est un cauchemar. Estelle court dans sa chambre et se fait un sac avec quelques affaires. Dans le salon, elle ouvre un grand placard, sort de celui-ci une boîte métallique. Dedans, beaucoup d’argent liquide. Elle prend la boîte et la met dans son sac. Sur le terminal multimédia de la maison, elle insert ses carte de crédits et fait un retrait complet en tapotant sur le clavier lumineux. Une quinzaine de papiers sortes de l’imprimante intégrée. Ce sont des bons de paies. Elle court alors dehors et rentre dans la petite voiture de sa tante. Elle se rend compte qu’elle a oublié quelque chose. Au loin, elle entend le vacarme de milliers de sirènes. Il lui semble qu’ils se dirigent dans sa direction. Elle court vers la maison et laisse un mot a l’attention de sa tante. Dehors, elle entend le bruit violent d’un véhicule arriver dans la rue voisine. Des coups de feu, des hurlements. Elle sort, entre dans la voiture. Elle allume le contacte et prend la direction du sud, la zone inondée. Peut-être qu’elle ne sera pas la seule a aller par là. Des larmes coulent sur son visage. Elle tremble. Dans les rues, des familles entières sortent de chez elles. Certains semblent hostiles, d’autres effrayés. Elle entrevoit quelques fois des véhicules de police. À un carrefour, elle est témoin d’une scène affreuse. Un corps de policier tire à vue sur les passants.
- C’est la révolution. Se dit-elle.
Sa voiture disparaît sur une bretelle ; elle prend la grande route qui mène vers les terres abandonnées.