10.5.06

Signalisation.




La signalisation lui indiquait qu’elle approchait. Une fumée blanche s’échappait du capot, Estelle admirait le soleil se coucher sur les marécages. Les reflets orange, pourpres, écarlates des nuages sur les lacs. Les épaves de paquebots, les pétroliers, les transporteurs, les voiliers échoués sur des aires plus ou moins profondes donnaient, a cette heure une couleur mystique au paysage. Elle pouvait presque sentir l’odeur de rouille des passerelles encore utilisées par certains Slamis. Maintenant, ces navires étaient devenus des habitations clandestines, et il en demeurait plusieurs dizaines de milliers sur le sud de tout le pays, qui avait été inondé par un raz-de-marée extraordinaire au début du siècle.
Elle savait qu’elle approchait de la citée inondée, renommée, Néo-Spartia. Au loin, elle devinait déjà le grand pont, puis les tours inondées. Telle la mythique Venise, Néo-Spartia était une ville bateau, peuplée d’habitant amphibiens, qui avaient élaboré des passerelles, des ruelles suspendues, des jardins, toute une ville au-dessus de la mer. Cette citée n’avait pas ses fondations au sol après tout, mais dans les airs. Tout était suspendu aux tours qui émergeaient des eaux...
La ville s’était construite d’exclus, de renégats, de terroristes, mais beaucoup d’intellectuels y étaient partis aussi. Des artistes également. Ils avaient tous fuient les prémices de Ouékoumène, la société de démocratie totalitaire qui naquit lors du XXIe siècle. Estelle avait peur, elle avait entendu tellement de mal de Néo-Spartia à Ouékoumène. Les médias avaient proclamé la zone condamnée par différents fléaux civilisationel et l’avaient prohibée sous peine d’expatriation absolue.
Les jeunes y vivaient en groupes : l’éducation physique était la plus importante, au détriment du développement intellectuel. Pour devenir adulte, le Néo-Spartia devait passer une série de tests, et participer à un jeu de télé réalité. Ils étaient envoyés par bande dans la périphérie de la citée et devaient survivre pendant trente jours. Ils étaient filmés et éliminés par vote. Une milice s’occupait de faire disparaître ceux qui n’étaient pas choisis, chaque soir pour continuer leur épreuve le lendemain. Le ou les gagnant obtenait le statut ou titre de Slamuit de Néo-Spartia. Et il ou ils pouvaient prendre part à la gestion de sa cité. Mais ils devaient vivrent en communauté jusqu'à l’âge de trente ans, avant de pouvoir espéré participé au grand jeu mondial de citoyenneté : Ouékoumène.

Devant le poste de la milice locale, la petite voiture d’Estelle s’arrêtait. Elle sortait et s’étirait car la route avait été longue. Sur le siège du passager, son agenda personnelle sonnait. S’était Irma qui lui disait que Nicolas avait disparut dans la manifestation. Qu’elle avait perdue sa trace et qu’elle avait essayée de fuir avant de s’être faite arrêtée pour un contrôle d’identité. Estelle regardait le message, consterné. Irma lui demandait si elle avait eu de nouvelles. Mais non, rien. Et il n’était pas joignable ; plus joignable car sa ligne était en dérangement.
Elle traversa le trottoir pour se diriger vers le petit poste de milice. Arrivée devant ; un guichet vétuste, une petite queue de quelques personnes. Dans la rue, derrière, des mouvements de protestations. Elle entendait diverses paroles.
- Allons nous présenter au nouveau jeu ; dix mille participants cette fois-ci ! Et un gain exceptionnel.
- Oui, il faut participer au jeu… Allons nous inscrire !
- Oui, c’est pourquoi ?
- Bonjour, Mademoiselle ?
- …
- Mademoiselle ? Hou-hou ?
- Ah oui, pardon. Excusez-moi, je viens de Ouékoumène. Heu, je ne sais pas trop comment m’organiser. J’ai pris ma voiture et je suis venue le plus rapidement ici. Vous avez appris ce qui se passait ? Vous avez des nouvelles ?
- Ah oui, Ouékoumène. Heu, vous voyez miss, je ne sais pas quoi vous répondre. J’ai pas le temps de voire les infos, surtout qu’ici, on a pas d’info officielles, vous savez. On est qu’une petite milice de proximité.
- Je vous explique, j’ai fui Ouékoumène, je ne suis pas citoyenne, je viens du quartier périphérique, là où sont les voiliers et les accès à la mer. Je ne sais pas quoi faire, je suis aller à Ouékoumène pour faire des études de citoyenneté, et mes amis sont encore là-bas. Dites-moi, vous organisez quelque chose localement pour vous protéger de ce qui arrive.
- Ça nous concerne peu ici, ils ne vont pas venir ici, on est sur la Terre des Slamuits. On est méchant ici vous savez bien ! On est pas cultivé et on a accès a rien. Alors que viendrait-ils faire ici?
- Pardon, j’ai juste envie de savoir ce qui se passe. Ça a été très violent, ce matin. Il y a eu des morts et je crois qu’il y a eu un coup d’état là-bas.