11.5.06

La main de Jérôme sursautait...

Jérôme Spinétas était assis à l’arrière du carrosse hydraulique à sustentations magnétiques. L’appareil filait dans l’aéroconduit et se dirigeait vers le bâtiment des congrès, devenu un lieu de réceptions médiatiques. Il devait retrouver Istratant là-bas et il avait pris un peu de retard, à cause des coups de fils qu’il avait reçus au sujet de l’allocution de ce matin. Ses cheveux cour étaient coiffés en arrière, et juste au-dessus de son front, un pic rassemblait la seule touffe longue de son cuir chevelu. Il portait deux boucles d’oreille, chacune renfermant respectivement, assistant personnel informatique et téléphone. Deux petit vers ovoïdes trônaient devant ses orbites ; ils étaient entourés d’un souple filament qui remontait ses pommettes pour se perdre au contact des boucles.
Sa main était posée sur son genou, et ses doigts bougeaient frénétiquement, comme sauvages dans cet environnement trop calme, trop léché, trop posé. Une très belle main féminine vint se posée sur la sienne, ferme et sereine. Les doigts stoppères et devinres dociles immédiatement. Seul son indexe, comme pour exulter un dernier sursaut, un dernier souffle tapota trois fois la rotule. Comme pour proclamer une indépendance qu’il ne connaissait plus.
- Calme toi Jérôme. Tu te fais trop de soucis mon chat. Arrête avec tes mains, tu vas finir par faire sonner ton genou à ce rythme. Elle riait.
Ce rire était la plus belle chose pour Jérôme. Elle le réconfortait toujours.
- Tu sais Anaïs, je ne suis pas sûr que nous ayons conscience de ce que nous faisons avec Istratant. C’est mon ami, et je l’envoie au casse-pipe. Ne peut-on pas faire autrement ?
- Arrête, avec cette complainte-là tu n’auras pas ce que tu désires, un monde meilleur, comme tu le dit si bien. Tu es comme ça Jérôme ! Et puis le pouvoir, l’argent ne sont pas négligeables.
Jérôme regardait dehors, il cherchait un point, quelque part, comme si quelque chose l’avait interpellé. Mais il n’y avait rien d’autre, dans l’aéroconduit, sinon quelques Slamuits perdus, qui essayaient de se cacher ici et là.
- Istratant n’est pas négligeable !
La main de Jérôme sursautait, repoussant celle d’Anaïs violement.
L’appareil prenait de plus en plus de vitesse et commença à prendre une immense montée. La vitesse croissait au fur et à mesure que l’aéroconduit s’élevait. Dans le ciel de la cité de Ouékoumène, alors que des milliards de lumières annonçaient le début d’une nouvelle nuit sur le monde, un projectile sorti du petit tube telle une fusée dans le ciel noir pour se diriger vers une tour de plusieurs centaines de mètres.