15.5.06

Persona non grata... ex nihilo... Eternam !



Les hyperbus passaient entre les immeubles, sur leurs flancs, des écrans projetaient le discours de l’huissier de justice du procès. Tout le monde regardait ce procès réalité, celui de l’Istratanisme. Les conducteurs avertis, regardaient sur leur tableau de bord, l’hologramme du programme Ouékoumène. Dans les centres commerciaux, dans les salons de coiffures, dans les tours de bureaux des centres super développés. Chacun des citoyens de Ouékoumène regardait son journal continu en faisant ce qu’il avait à faire. Ouékoumène était la société-réalité qui avait été proclamée lors du grand plan social du 25e siècle.

Je regardais aussi.




Ouékoumène. Siège administratif, 29 Septembre 2169.

Devant le bâtiment de l’association de quartier se tenait le jeune homme du kiosque. Il pianotait sur le terminal public. Celui-ci projetait dans les airs des hologrammes retraçant les gros titres de la semaine en cours. Chacun pouvait acheter, un droit de téléchargement des informations pour leurs assistants personnels.
Estelle avait rendez-vous avec Istratant dans la salle d’étude des admissibilités de téléchargement du dossier de candidature à la citoyenneté.
Au-dessus du trottoir, un hologramme particulièrement éloquent interpellait tout le monde. Un attentat sur l’ensemble des plateformes pétrolières du Golf du Mexique avait détruit les structures d’évacuation d’hydrocarbure. Si l’information n’était, semble-t-il pas alarmiste, chacun, dans la rue, laissait deviner une certaine crainte sur son visage.
Estelle trouvait étrange qu’Istratant lui ai parler des plateformes du Golf du Mexique quelques jours auparavant. Il lui avait même précisé que leur disparition affecterait l’économie globale de manière irrémédiable. Istratant faisait partie d’un conglomérat qu’il avait formé avec d’autres dissidents. Ils étaient en désaccord avec Ouékoumène, et organisaient des réunions d’information médiatiques de par le monde et via Internet. Le mouvement contestataire avait un nom, c’était l’Istratanisme.
L’hologramme, au-dessus de la rue fût à ce moment parasité par une banderole rouge et aux enseignes de l’Istratanisme. Le groupe revendiquait : les attentats et par la même, le départ d’un nouveau monde.
Estelle ne savait pas quoi penser de ce qui se passait. Istratant était un homme juste et intègre. Comment pouvait-il être mêlé à ça ? Estelle rentrait dans le bâtiment au moment où l’hologramme se figeait comme sous l’effet d’un bug.

Un bruit strident retentissait dans la rue, et les passant fuyaient la proximité du terminal d’information.



Dans la petite salle de réunion, les stores étaient fermés. Estelle décide alors de frapper à la porte mais aucune réponse ne se fait attendre en retour. Elle entre d’un pas discret. Dans le fond de la pièce, un homme de taille moyenne, au front large et brillant sous les rais de lumière observe Estelle avancer. Il se lève doucement sans rien dire. Estelle s’arrête et inspire profondément.
Alors qu’elle sort de son sac à main, un dossier rouge avec la mention Ouékoumène, l’homme se lève en toussotant.
- Bonjour, Estelle. Nous n’avons pas beaucoup de temps. Tu l’à fait ?
- Istratant, qu’est-ce qui ce passe ?
- Ne t’inquiète pas. Cette histoire d’attentats est une manipulation d’Ouékoumène pour nous discréditer. Alors, tu as pu le faire ?
- C’est vrai ?
- Je crois que ce n’est que le début. Nous devons fuir pour nous protéger. Je crois qu’ils veulent nous faire disparaître.
Il la regarde.
- Sérieusement… ! Estelle….Estelle ?
- Je peux faire quelque chose ?
Comme si elle revenait à elle même. Et elle continue…
- Tu vas repartir sur les terres de Slamuits ? C’est terrible, je ne sais pas ce que je vais devenir ?
- Écoutes, Estelle, écoutes, il faut que tu participe à Ouékoumène. Tu pourras obtenir ta citoyenneté si tu gagnes. À partir de ce moment, tu pourras nous aider. En attendant, je dois t’aider comme je le peux, mais arrête ça. C’est important pour toi. Ne va pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tuer. Tu dois faire les démarches pour être citoyenne !

Istratant et Estelle sont à quelques centimètres l’un de l’autre. Une larme coule sur le visage de la jeune femme alors que la lumière des stores change imperceptiblement. Des rais de lumières se fondent comme sous l’effet d’une diffusion. Dehors, il y a des mouvements, les passants, la rue, la circulation. Estelle et Istratant se rapprochent de la fenêtre pour regarder ce qu’il s’y passe.

Devant le bâtiment, trois cars de Police Démocratique s’arrêtent en bloquant la circulation. Très vite, la rue est dégagée par la milice. Quelques curieux essayant de voler une image se font rapidement rediriger vers d’autres rue. Les policiers s’immobilisent, en garde, prêts à intervenir. Sur le toit de l’un des cars, un mégaphone émet un carillon strident, signe et information d’une intervention policière d’état.
- La police d’Ouékoumène vous ordonne de vous rendre.
Silence. Seulement le rire d’une petite fille se fait entendre. Rien d’autre. Derrière la fenêtre, Estelle et Istratant s’échangent un regard d’affection.
- Sors, Estelle. Tu ne dois pas être mêlée à ça ! dit la voix d’un policier.
- C’est Nicolas ! Mais, ils vont m’interroger.
- Non, tu vas sortir par la salle de trie administratif. Tu diras que tu es venue pour ton inscription. Ils ne feront pas le lien, si tout se passe bien.

Dehors, la police attend toujours. Le commandant consulte des informations sur son assistant personnel. Une fiche mentionnant que l’individu est très dangereux apparaît. Le commandant passe un ordre aux troupes qui se mettent à genoux.
- Istratant Slamuit, nous vous sommons de sortir. Vous êtes en infraction avec le code de législation des médias Ouékoumène. Si vous sortez sans obstruction ; aucun mal ne vous serra fait.
La porte du bâtiment s’ouvre à ce moment. Les hommes font quasiment tous un léger mouvement de recul, qu’ils compensent immédiatement. Puis ils se relâchent. Estelle avance alors jusqu’aux barricades et est interpellée par un agent en civil. Elle disparaît dans l’un des cars. Une sirène retentie violement dans le quartier. Un véhicule blindé et munie d’un canon se poste devant le bâtiment. Une femme s’approche du commandant et lui présente son assistant personnel.
- Il semble qu’il n’y ait plus personne à l’intérieur du bâtiment commandant.
- Merci. Vous en êtes sure ?
- Oui. Tous les capteurs indiquent qu’il n’y a qu’un seul homme.
Alors le commandant rend l’objet à la femme et reprend le mégaphone.
- Istratant, sortez sinon nous devrons faire usage de la force.
- Vive la république !!! cri Istratant.
Le vent…, puis un chat monte sur le toit du bâtiment et rentre par l’une des nombreuses fenêtres. Istratant prend son assistant personnel et entame un enregistrement. À ce moment, une explosion colossale détruit l’édifice et projette dans la rue, projectiles et poussières. Les trois cars sont retournés. Les passants sont projetés sur le sol, les policiers sont secoués par ce qui vient de se passer. Quelques-uns reste même sur le sol, alors que le commandant se relève péniblement.
- Que c’est-il passé ? Qui peu m’expliquer ce qui se passe ? d’une voix affirmative.
Silence. Seulement un bruit de flammes, de crépitement, les quelques alarmes qui se sont déclenchées. Rien d’autre.
Estelle, dans le bus, se relève doucement, ne comprenant pas ce qui ce passe. Elle ouvre les yeux et se rend compte que le bus est couché, que les deux policiers qui étaient avec elle sont dans les vaps, et que la porte grillagée est défoncée. Elle se fraye un passage et n’a pas fini de sortir que déjà les sirènes des ambulances se font entendre en une symphonie asynchrone... Le bruit alentour, la panique, la rue, les passants, la police. Certains gémissent, d’autres pleurs. Estelle se dit que c’est le moment ou jamais d’en profiter et de sortir de la le plus rapidement possible. Elle découvre le bâtiment, ou du moins, ce qu’il en reste. Un monceau de béton incandescent, hurlant de ses reflux une fumée brûlante. Elle pense tout de suite à Istratant. La peur et la tristesse l’assaillent, mais elle se fraie un chemin vers la bouche de métro la plus proche en disparaissant dans la foule intriguée.

Dans le long couloir du métro, la lumière clignote frénétiquement. Elle se dit alors que l’explosion a été très puissante et que les dégâts doivent être très nombreux. Les panneaux publicitaires numérique ne fonctionnant plus très bien ; elle arrive quand même à se diriger. Il lui semble remarquer que les gens allant et venant dans le métro semble aussi avoir ressentis quelques chose de l’explosion. De plus en plus perdue, Estelle décide de demander au premier venue si il sait ce qui c’est passé.
- Ne restez pas là ma p’tit dame, je crois qu’il y a eu un attentat vers le siège du bâtiment administratif de Ouékoumène.
L’homme repart aussitôt et laisse Estelle, immobile et essoufflée dans les couloirs du métro. Les lumières clignotent toujours et il lui semble apercevoir une rame arrivée au quai. Elle décide de prendre sur elle et d’aller dans celle-ci.
- Est-ce encore une coïncidence ? se demande-t-elle. Que c’est-il passé ?
Elle rentre dans le métro et s’assied. La rame prend son élan dans l’agitation la plus totale. Assise, elle regarde machinalement dans son sac et fait tomber son petit miroir de poche sans s’en rendre compte. Elle prend son assistant personnel et regarde si l’attentat est déjà aux informations. Au moment de la connexion, un message apparaît.
- Citoyens de Ouékoumène, n’oubliez pas de voter ce soir. C’est important pour vous et pour ceux qui font changer les choses.
Sans vraiment y prêter attention, elle découvre qu’elle a reçu un message interactif d’Istratant. Au moment de le consulter, la lumière du wagon disparaît, la rame freine brutalement, et son assistant personnel s’éteint. Tous les appareils s’éteignent à l’unisson et le train s’arrête heureusement, à la station la plus proche. Estelle se lève et se dirige alors, et le plus rapidement possible vers la sortie la plus proche. Dans la foule, la bousculade est inévitable. Estelle trébuche, et tombe. La terre tremble, encore. Estelle se dit que ça recommence. Elle essaie de se relever mais quelqu’un la pousse violement contre le mur et sa tête heurte le sol lorsqu’elle tombe. Elle essaie d’ouvrir les yeux, n’y parvient pas. Elle tombe au moment où une explosion se fait entendre.



Le réveil est chaotique, Estelle se demande si ce qui vient de se passer est vrai. Istratant, le matin, le rendez-vous. Elle se demande au plus profond d’elle même si le temps lui à laisser son pourceau de seconde à accomplir ce qu’elle devait faire…