21.5.06

Le vieil homme et le lac…




Sur la place du grand conseil, Franck Wong assistait à la présentation des nouvelles règles. Jérôme Spinétas les énumérait. L'évènement se passait sur la base nautique du grand lac artificiel urbain. Le bassin s'étendait sur trois kilomètres en longueur, deux en largeur. Autour, la ville, les tours, les habitations et les différents niveaux. Dans les airs, des ballons dirigeables aux logos de Oékoumene braquait leurs caméras pour offrir les meilleures images. Trois grand bateaux étaient placés en trèfles depuis la berge sud et s'écartant vers le nord-ouest, le nord, et le nord-est. Sur les navires, des spectateurs, par dizaine de milliers regardait au milieu du lac le plateau à sustentation hydromagnétique sur lequel statuait Jérôme Spinétas. Le plateau, de seulement quatre mettre sur trois était assuré par quatre mini-ballons dirigeables accrochés au bout de filins tendus. Jérôme était debout, entre deux colonne massives qui se projetait à plus de cent mettre de hauteur pour former une arche ovoïde dans laquelle apparaissait son image via un réseaux de projectoviseurs holographiques. Le spectacle était cyclopéen. Dans les airs, des centaines de Newscoms allaient et venaient entre les dirigeables de tournage. Il transportait des attachées de presse, des journalistes, des invités importants. On les apercevait depuis les berges, depuis les bateaux citoyens.
Le discours raisonnait sur plusieurs dizaines de kilomètres. Tous les terminaux, tous les écrans, toutes les installations de la ville entière diffusaient le son et l'image de l'allocution. Au-delà, c'était la même chose.
Franck Wong se demandait si quelqu'un d'autre que lui était effrayé par le pouvoir qu'avait Jérôme Spinétas. Il regardait le discours, déjà alarmant, mais ce qui l'inquiétait, c'était l'énergie dépensée pour l'allocution. À chaque projection de Jérôme Spinétas, la ville d’Oekoumène consommait tellement d'énergie qu'elle était vue depuis les stations orbitales de la Lune. Certain colon de Mars disait avoirs aperçus un éclaire depuis Mars, mais par temps étoilé et avec un bon système de visio-grossissement des particules de lumière. En une demi-heure d'émission, la consommation terrestre quadruplait, tous ça pour une diffusion mondiale et synchrone. À raison de deux discours par semaine, il fallait que le générateur d'énergie atomique à hydrogène desaturé soit continuellement réapprovisionné. La ville baignait dans une lumière blanchâtre.
Franck Wong devait voir Jérôme Spinétas, mais ce n'était pas le moment. Les attentats étaient maintenant aussi récurrents que les allocutions. Il fallait trouver une solution. Sur l'écran, le patriarche de la ville s'enorgueillit d'avoir aboli une vieille loi qui interdisait la participation aux résidents de Néo-Spartia. Estelle lui avait dit qu'elle y était retournée après l'explosion du siège de trie de participation à la citoyenneté, il y a quelques mois.
Sur l'écran, Jérôme évoquait l'allocution qu'il avait eue avec Istratant Slamuit il y a plusieurs années. Maintenant qu’Oékoumene avait prouvé son autonomie, la société pouvait passer à la phase d'autogestion. Tout le monde regardait.
Franck était stupéfait, dans la rue les véhicules s'étaient même arrêtés. Plus rien ne bougeait, sinon les cils des millions de spectateurs. Tous les citoyens avaient été programmés pour ce moment. Même Franck ne savait plus quoi faire d’autre.
Nicolas arrivait sur l’entrée de la place.

20.5.06

Le cube disparaissait dans l'incinérateur...

Jérôme regardait défiler les images d'Estelle depuis le petit cube de verre qu'il avait posé sur la table de la salle à mangé. Les images, la vie tout entière de la jeune fille. On la voyait à Néo-Spartia, avec Nicolas, sa rencontre avec Franck Wong. Le visage de Jérôme se tendait. Il voulait la posséder, toute entière, la maîtriser, cette belle jeune femme. Il n'avait qu'une envie, elle.
Il se raidit, dans sa grande robe noire de patriarche de Oékoumene, ses petits yeux laissaient apercevoir les reflets rougeâtres du laser de l'incinérateur domestique. Il se saisit du cube et se dirigea verre l'appareil de désintégration. Il prit le cube de verre dans sa main et le serra de toutes ses forces.
- Tu n'appartiendras à personne Estelle si tu ne veux pas de moi. À personne ! À personne !!
Il projeta le cube de verre dans l'incinérateur. Il hurla encore, sa main se raidit :
- À personne, tu m'entends! Tu m'entends, je te le jure.
Il ferma la porte et le cube fondait. Il regardait l'objet se désintégrer. Sur le reflet de ses petites lunettes le verre fondait, et se mêlait à ses yeux sombres, dont les éclats de lumière reflétait sa frustration.
Sur le coin de son oreille, le petit cercle métallique qui reliait son assistant personnel clignotait trois fois.
Une porte venait de s'ouvrir et Anaïs s'approchait maintenant de lui, doucement, au rythme des crépitements du verre qui était en fusion maintenant. Jérôme ne se retournait pas.
- Alors, tu viens, il est temps. Nous ne pouvons pas êtres en retard ce soir. Je sais que c'est difficile pour toi. Mais je suis à tes cotés.
-Tu ne comprend pas Anaïs. Tu ne sais pas...
-Si! Arrête maintenant. Tu dois penser à Nicolas.
Jérôme regardait toujours l'incinérateur, qui venait de s'éteindre. Les verres de ses lunettes s'étaient éclaircis sous l'effet de l'adoucissement de la lumière. Maintenant, ses yeux apparaissaient complètement. Derrière lui, le regard d'Anaïs était plongée aussi sur la poussière qu'il restait du petit cube de verre. Elle laissait s'échapper de son visage un léger sourire.
Une goutte de sang coulait de la main de Jérôme. La goutte alla s’écraser sur le dallage blanc de la grande pièce.
-Allons-y ! dit Jérôme en se retournant sans même regarder Anaïs.

Les exilés doivent rester à leur place !

Nicolas sortait du centre médical de contrôle de citoyenneté. Il était morose. Les résultats des examens signalaient une dégénérescence de son système moteur. La bosse qu'il portait sur son dos lui faisait de plus en plus mal. Il prit le tapis roulant du grand boulevard pour rentrer au siège de Oékoumene. Arrivé devant le bâtiment, il voyait sur l'écran géant une allocution de son père. Jérôme Spinétas disait organiser un grand jeu qui ouvrirait la citoyenneté aux Néo-Spartiates. Il voulait réunir les peuples. Nicolas rentra dans le bâtiment, il prit un ascenseur à sustentation magnétique et l'on vit le petit cube de verre se diriger vers les hauteurs de la ville.
Franck Wong l'avait suivi. Il s'arrêtât devant un kiosque de téléchargement d'informations. Il ouvrit son assistant personnel et dictat:
- Siège Ouékoumène. Base de donnée des collectes d'information générales.
Nicolas Spinétas n'est pas l'enfant de Jérôme et Anaïs Duchosy. Est-il au courant de ça. Faire une enquête sur son enfance sur la terre de Salmis, à Néo-Spartia. Je suis persuadé qu'il est lié au développement de la cité. Ne pas oublier de trouver les éléments qui le lie à Istratant Slamuit et Irma Istratanovla Slamuit. Istratant était membre du conseil des non-citoyens à l'époque. Selon les bases de données, il a même donné des cours à certains lors de cette période.
Franck Wong fut dérangé par un appel du procureur qui lui demandait de venir au sujet d'un attentat.

Sur la place du grand conseil, les milliers de passants marchaient sur le logo de Oékoumene, que dessinaient les chemins obligatoires. Au-dessus, sur la terrasse, Nicolas regardait dans le vide, l'image vivante du monde auquel il était lié.

Avertissement.

Je venais de finir les réparations. Le centre d’alimentations de l'immeuble était branché aux réseaux, à la centrale autonome, et j'avais dispatcher l'énergie dans tout le bâtiment. Je ne crois pas avoir fait quoi que ce soit qui est déclenché l'explosion.

L'homme était assis dans une petite salle et répondait aux questions posées par le robot inspecteur. Derrière un miroir sans tain, deux agent de police observait les réactions du technicien énergétique. Franck Wong travaillait pour les brigades anti-terroristes de Ouékoumène. Il avait devant lui la seule personne à être liée au dispositif de dispatche d'énergie du bâtiment qui avait explosé.
Le procureur rentrait dans le bureau.
-Vous avez compris ce qui s’est passé?
-Je suis persuadé que Jérôme Spinétas est lié à ça. Notre dossier sur Istratant Slamuit nous indique bien que c'est un résistant révolutionnaire mais je ne le crois pas capable de se suicider comme ça. Je crois plutôt à une manipulation. Ce ne serait pas étonnant en plus ?
-Nous sortons de notre juridiction. Mais je crois que vous avez raison. Essayons de faire la lumière sur cette histoire de terrorisme. Mais avant tout, notre bureau est relevé par la section du bureau de citoyenneté d’Oekoumène.
Franck était énervé par cette information. Il n'avait pas fait ce voyage pour rien quand même. Estelle lui avait déjà dit que quelqu'un essaierait de nuire à Istratant.
De l'autre côté de la glace, l'homme regardait le robot inspecteur qui fumait légèrement, il tomba par terre. Il se leva brusquement et se saisit de la clef universelle du robot qui semblait neutralisé. Il sortit de la salle d'interrogatoire en poussant devant lui les personnes qui lui barraient la route. Tout se passa si vite que Franck, qui était plongé dans une réflexion avec le procureur ne pu rien faire.
L'homme sortit du bâtiment et disparut dans la foule très rapidement.

15.5.06

Le temps qui court...




Un jeux de télé réalité voit alors le jour. C’est Oekoumene. Au début, il permet de gérer la crise sociale. Très vite, le Model occidental l’adopte.
Jérôme Spinétas et Istratant Slamuit sont les deux principaux fondateur du système Oekoumene, qui devient très vite un état dans lequel il y a des citoyens et des non-citoyens.
La gestion administrative de l’économie, de la politique et du social de Ouékoumène devient incontrôlable. La liberté est prônée partout, mais les clivages et les méthodes musclés sont de plus en plus violentes. Les médias ayant perdu toute crédibilité, il ne reste qu’une seule chaîne de télévision, Ouékoumène, la télévision qui éclaire le peuple dans la nuit du libéralisme destructeur. C’était le premier slogan du groupe. Cette histoire est l’aboutissement d’une longue réflexion sur notre société. Dans laquelle certains s'adaptent et vivent dans les règles, mais certain ne le font pas, ils échoues à vivre en liberté.
C’est un monde injuste avec 80% d’habitants exploités par les 20% dominants.
La base de données Ouékoumédia regroupe cette histoire et ses principaux protagonistes.

*
Les états décident donc de s’unir en une structure étatique basée sur les Médias. La partie des terres immergée de l’humanité et ses habitants constructeurs d’un monde meilleur naissent pour devenir Oekoumene.

Lorsque l’élite a commencé à paniquer. Elle a cherché une raison à cette panique. En cherchant l’esprit derrière le mouvement contestataire, ils ont découvert que le seul moyen de sauver le monde était le retour à l’age de pierre. Le moyen d’arriver là était de détruire "la pensée unique". Il ne restait plus qu’à trouver l’architecte de cette destruction.
Le groupe Ouékoumène était dirigé par Jérôme Spinétas. Son but était d’organiser la faisabilité du système Ouékoumène en combattant le libéralisme et le capitalisme, mais ce qu'il généra devenait incontrollable. Jérôme trouva en Istratant Slamuit, l’architecte de son projet de restructuration de la société.
La première allocution d’Istratant Slamuit pouvait laisser imaginer son charisme et sa compréhension humanistes des souffrances de cette époque.





"18 ans plus tôt…"

Estelle était chez elle. Elle regardait l’allocution des deux hommes. Elle se demandait qui pouvait bien être Istratant et ne comprenait pas. Elle rentrait tout juste de la fac. Ses examens se passaient bien. Normalement, elle aurait son diplôme sans trop de casse se disait-elle. Elle, qui habitait avec sa tante. Une maison entièrement recouverte de zinc. Elle devait aller rejoindre Nicolas sur les barricades. C’était le temps des manifestations des « Jeunes » comme le disaient les médias. Le mouvement battait grand train et Nicolas était à la tête des contestations. La crise économique actuelle lui faisait très peur et elle avait consultée sur Internet tous les sites regroupant analyses et prospections pour l’avenir proche de sa génération. Mais-elle n’y avait rien compris de plus qu’a la lecture d’une partition de Wagner.

Son téléphone portable sonna. C’était Irma, la fille d’Istratant.
- Estelle, c’est terrible. Nous allons devenir des non-citoyens. Ils sont en train de changer les constitutions, les réformes fusent, l’état disparaît.
- Attends, calme toi. Ton père travaille sur le projet. Ne t’affole pas comme ça. On se rejoint avec Nicolas devant le bureau de quartier.

En raccrochant, elle se rend compte qu’elle vient de recevoir un message. Un message de Nicolas qui lui disait de ne pas venir ; que les choses tournaient mal, et qu’il lui recommandait de se cacher.

Estelle se retourne et regarde la télé à ce moment. Un hélicoptère filme la place du bureau de quartier. Plus de 10 000 manifestants sont là, entourés par des cars de police. Éparses, des fumeroles et de petites explosions disent l’instabilité qui règne. La police charge dans la foule et la scène devient d’une violence jamais montrée à la télévision. Deux hélicoptères entourent alors celui de la chaîne de télévision, la caméra montre qu’ils sont armés. On aperçoit un missile qui part en direction de la place et l’image disparaît. Le programme est coupé. Sur l’écran, on peut lire :
« Ouékoumène, la télévision qui vous éclaires »
Ouékoumène V 1.0
La voix d’un présentateur explique :

- Les médias sont dorénavant la propriété de tous. Les manifestations vous seront commentées dans la soirée. Nous avons gagné !

Stupéfaction d’Estelle. Ses mains sont sur sa bouche. Le bruit d’une explosion se fait entendre dehors. Elle sort et aperçoit un hélicoptère qui fond vers ce qu’elle devine être la place de la manifestation. Celui des média, lui, pique vers une rue et s’écrase semble-t-il. Horrifiée, elle commence à pleurer. Elle voit un nuage de fumée gris disparaître dans les airs au-dessus de la place.
- Nous avons gagné !
- Non, ce n’est pas possible. C’est un cauchemar. Estelle court dans sa chambre et se fait un sac avec quelques affaires. Dans le salon, elle ouvre un grand placard, sort de celui-ci une boîte métallique. Dedans, beaucoup d’argent liquide. Elle prend la boîte et la met dans son sac. Sur le terminal multimédia de la maison, elle insert ses carte de crédits et fait un retrait complet en tapotant sur le clavier lumineux. Une quinzaine de papiers sortes de l’imprimante intégrée. Ce sont des bons de paies. Elle court alors dehors et rentre dans la petite voiture de sa tante. Elle se rend compte qu’elle a oublié quelque chose. Au loin, elle entend le vacarme de milliers de sirènes. Il lui semble qu’ils se dirigent dans sa direction. Elle court vers la maison et laisse un mot a l’attention de sa tante. Dehors, elle entend le bruit violent d’un véhicule arriver dans la rue voisine. Des coups de feu, des hurlements. Elle sort, entre dans la voiture. Elle allume le contacte et prend la direction du sud, la zone inondée. Peut-être qu’elle ne sera pas la seule a aller par là. Des larmes coulent sur son visage. Elle tremble. Dans les rues, des familles entières sortent de chez elles. Certains semblent hostiles, d’autres effrayés. Elle entrevoit quelques fois des véhicules de police. À un carrefour, elle est témoin d’une scène affreuse. Un corps de policier tire à vue sur les passants.
- C’est la révolution. Se dit-elle.
Sa voiture disparaît sur une bretelle ; elle prend la grande route qui mène vers les terres abandonnées.

Lorsque Estelle se réveille, le métro a une odeur de sueur. Tout autour d’elle force la présence de cette humanité qu’elle ne comprend toujours pas, qu’elle ne comprend plus, et qu’elle n’a peut-être jamais compris… Que lui avait-on enseigné sur la terre des Slamuits.

La signalisation lui indiquait qu’elle approchait. Une fumée blanche s’échappait du capot, Estelle admirait le soleil se coucher sur les marécages. Les reflets orange, pourpres, écarlates des nuages sur les lacs. Les épaves de paquebots, les pétroliers, les transporteurs, les voiliers échoués sur des aires plus ou moins profondes donnaient, a cette heure une couleur mystique au paysage. Elle pouvait presque sentir l’odeur de rouille des passerelles encore utilisées par certains Slamis. Maintenant, ces navires étaient devenus des habitations clandestines, et il en demeurait plusieurs dizaines de milliers sur le sud de tout le pays, qui avait été inondé par un raz-de-marée extraordinaire au début du siècle.
Elle savait qu’elle approchait de la citée inondée, renommée, Néo-Spartia. Au loin, elle devinait déjà le grand pont, puis les tours inondées. Telle la mythique Venise, Néo-Spartia était une ville bateau, peuplée d’habitant amphibiens, qui avaient élaboré des passerelles, des ruelles suspendues, des jardins, toute une ville au-dessus de la mer. Cette citée n’avait pas ses fondations au sol après tout, mais dans les airs. Tout était suspendu aux tours qui émergeaient des eaux...
La ville s’était construite d’exclus, de renégats, de terroristes, mais beaucoup d’intellectuels y étaient partis aussi. Des artistes également. Ils avaient tous fuient les prémices de Ouékoumène, la société de démocratie totalitaire qui naquit lors du XXIe siècle. Estelle avait peur, elle avait entendu tellement de mal de Néo-Spartia à Ouékoumène. Les médias avaient proclamé la zone condamnée par différents fléaux civilisationel et l’avaient prohibée sous peine d’expatriation absolue.
Les jeunes y vivaient en groupes : l’éducation physique était la plus importante, au détriment du développement intellectuel. Pour devenir adulte, le Néo-Spartia devait passer une série de tests, et participer à un jeu de télé réalité. Ils étaient envoyés par bande dans la périphérie de la citée et devaient survivre pendant trente jours. Ils étaient filmés et éliminés par vote. Une milice s’occupait de faire disparaître ceux qui n’étaient pas choisis, chaque soir pour continuer leur épreuve le lendemain. Le ou les gagnant obtenait le statut ou titre de Slamuit de Néo-Spartia. Et il ou ils pouvaient prendre part à la gestion de sa cité. Mais ils devaient vivrent en communauté jusqu'à l’âge de trente ans, avant de pouvoir espéré participé au grand jeu mondial de citoyenneté : Ouékoumène.

Devant le poste de la milice locale, la petite voiture d’Estelle s’arrêtait. Elle sortait et s’étirait car la route avait été longue. Sur le siège du passager, son agenda personnelle sonnait. S’était Irma qui lui disait que Nicolas avait disparut dans la manifestation. Qu’elle avait perdue sa trace et qu’elle avait essayée de fuir avant de s’être faite arrêtée pour un contrôle d’identité. Estelle regardait le message, consterné. Irma lui demandait si elle avait eu de nouvelles. Mais non, rien. Et il n’était pas joignable ; plus joignable car sa ligne était en dérangement.
Elle traversa le trottoir pour se diriger vers le petit poste de milice. Arrivée devant ; un guichet vétuste, une petite queue de quelques personnes. Dans la rue, derrière, des mouvements de protestations. Elle entendait diverses paroles.
- Allons nous présenter au nouveau jeu ; dix mille participants cette fois-ci ! Et un gain exceptionnel.
- Oui, il faut participer au jeu… Allons nous inscrire !
- Oui, c’est pourquoi ?
- Bonjour, Mademoiselle ?
- …
- Mademoiselle ? Hou-hou ?
- Ah oui, pardon. Excusez-moi, je viens de Ouékoumène. Heu, je ne sais pas trop comment m’organiser. J’ai pris ma voiture et je suis venue le plus rapidement ici. Vous avez appris ce qui se passait ? Vous avez des nouvelles ?
- Ah oui, Ouékoumène. Heu, vous voyez miss, je ne sais pas quoi vous répondre. J’ai pas le temps de voire les infos, surtout qu’ici, on a pas d’info officielles, vous savez. On est qu’une petite milice de proximité.
- Je vous explique, j’ai fui Ouékoumène, je ne suis pas citoyenne, je viens du quartier périphérique, là où sont les voiliers et les accès à la mer. Je ne sais pas quoi faire, je suis aller à Ouékoumène pour faire des études de citoyenneté, et mes amis sont encore là-bas. Dites-moi, vous organisez quelque chose localement pour vous protéger de ce qui arrive.
- Ça nous concerne peu ici, ils ne vont pas venir ici, on est sur la Terre des Slamuits. On est méchant ici vous savez bien ! On est pas cultivé et on a accès a rien. Alors que viendrait-ils faire ici?
- Pardon, j’ai juste envie de savoir ce qui se passe. Ça a été très violent, ce matin. Il y a eu des morts et je crois qu’il y a eu un coup d’état là-bas.

Persona non grata... ex nihilo... Eternam !



Les hyperbus passaient entre les immeubles, sur leurs flancs, des écrans projetaient le discours de l’huissier de justice du procès. Tout le monde regardait ce procès réalité, celui de l’Istratanisme. Les conducteurs avertis, regardaient sur leur tableau de bord, l’hologramme du programme Ouékoumène. Dans les centres commerciaux, dans les salons de coiffures, dans les tours de bureaux des centres super développés. Chacun des citoyens de Ouékoumène regardait son journal continu en faisant ce qu’il avait à faire. Ouékoumène était la société-réalité qui avait été proclamée lors du grand plan social du 25e siècle.

Je regardais aussi.




Ouékoumène. Siège administratif, 29 Septembre 2169.

Devant le bâtiment de l’association de quartier se tenait le jeune homme du kiosque. Il pianotait sur le terminal public. Celui-ci projetait dans les airs des hologrammes retraçant les gros titres de la semaine en cours. Chacun pouvait acheter, un droit de téléchargement des informations pour leurs assistants personnels.
Estelle avait rendez-vous avec Istratant dans la salle d’étude des admissibilités de téléchargement du dossier de candidature à la citoyenneté.
Au-dessus du trottoir, un hologramme particulièrement éloquent interpellait tout le monde. Un attentat sur l’ensemble des plateformes pétrolières du Golf du Mexique avait détruit les structures d’évacuation d’hydrocarbure. Si l’information n’était, semble-t-il pas alarmiste, chacun, dans la rue, laissait deviner une certaine crainte sur son visage.
Estelle trouvait étrange qu’Istratant lui ai parler des plateformes du Golf du Mexique quelques jours auparavant. Il lui avait même précisé que leur disparition affecterait l’économie globale de manière irrémédiable. Istratant faisait partie d’un conglomérat qu’il avait formé avec d’autres dissidents. Ils étaient en désaccord avec Ouékoumène, et organisaient des réunions d’information médiatiques de par le monde et via Internet. Le mouvement contestataire avait un nom, c’était l’Istratanisme.
L’hologramme, au-dessus de la rue fût à ce moment parasité par une banderole rouge et aux enseignes de l’Istratanisme. Le groupe revendiquait : les attentats et par la même, le départ d’un nouveau monde.
Estelle ne savait pas quoi penser de ce qui se passait. Istratant était un homme juste et intègre. Comment pouvait-il être mêlé à ça ? Estelle rentrait dans le bâtiment au moment où l’hologramme se figeait comme sous l’effet d’un bug.

Un bruit strident retentissait dans la rue, et les passant fuyaient la proximité du terminal d’information.



Dans la petite salle de réunion, les stores étaient fermés. Estelle décide alors de frapper à la porte mais aucune réponse ne se fait attendre en retour. Elle entre d’un pas discret. Dans le fond de la pièce, un homme de taille moyenne, au front large et brillant sous les rais de lumière observe Estelle avancer. Il se lève doucement sans rien dire. Estelle s’arrête et inspire profondément.
Alors qu’elle sort de son sac à main, un dossier rouge avec la mention Ouékoumène, l’homme se lève en toussotant.
- Bonjour, Estelle. Nous n’avons pas beaucoup de temps. Tu l’à fait ?
- Istratant, qu’est-ce qui ce passe ?
- Ne t’inquiète pas. Cette histoire d’attentats est une manipulation d’Ouékoumène pour nous discréditer. Alors, tu as pu le faire ?
- C’est vrai ?
- Je crois que ce n’est que le début. Nous devons fuir pour nous protéger. Je crois qu’ils veulent nous faire disparaître.
Il la regarde.
- Sérieusement… ! Estelle….Estelle ?
- Je peux faire quelque chose ?
Comme si elle revenait à elle même. Et elle continue…
- Tu vas repartir sur les terres de Slamuits ? C’est terrible, je ne sais pas ce que je vais devenir ?
- Écoutes, Estelle, écoutes, il faut que tu participe à Ouékoumène. Tu pourras obtenir ta citoyenneté si tu gagnes. À partir de ce moment, tu pourras nous aider. En attendant, je dois t’aider comme je le peux, mais arrête ça. C’est important pour toi. Ne va pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tuer. Tu dois faire les démarches pour être citoyenne !

Istratant et Estelle sont à quelques centimètres l’un de l’autre. Une larme coule sur le visage de la jeune femme alors que la lumière des stores change imperceptiblement. Des rais de lumières se fondent comme sous l’effet d’une diffusion. Dehors, il y a des mouvements, les passants, la rue, la circulation. Estelle et Istratant se rapprochent de la fenêtre pour regarder ce qu’il s’y passe.

Devant le bâtiment, trois cars de Police Démocratique s’arrêtent en bloquant la circulation. Très vite, la rue est dégagée par la milice. Quelques curieux essayant de voler une image se font rapidement rediriger vers d’autres rue. Les policiers s’immobilisent, en garde, prêts à intervenir. Sur le toit de l’un des cars, un mégaphone émet un carillon strident, signe et information d’une intervention policière d’état.
- La police d’Ouékoumène vous ordonne de vous rendre.
Silence. Seulement le rire d’une petite fille se fait entendre. Rien d’autre. Derrière la fenêtre, Estelle et Istratant s’échangent un regard d’affection.
- Sors, Estelle. Tu ne dois pas être mêlée à ça ! dit la voix d’un policier.
- C’est Nicolas ! Mais, ils vont m’interroger.
- Non, tu vas sortir par la salle de trie administratif. Tu diras que tu es venue pour ton inscription. Ils ne feront pas le lien, si tout se passe bien.

Dehors, la police attend toujours. Le commandant consulte des informations sur son assistant personnel. Une fiche mentionnant que l’individu est très dangereux apparaît. Le commandant passe un ordre aux troupes qui se mettent à genoux.
- Istratant Slamuit, nous vous sommons de sortir. Vous êtes en infraction avec le code de législation des médias Ouékoumène. Si vous sortez sans obstruction ; aucun mal ne vous serra fait.
La porte du bâtiment s’ouvre à ce moment. Les hommes font quasiment tous un léger mouvement de recul, qu’ils compensent immédiatement. Puis ils se relâchent. Estelle avance alors jusqu’aux barricades et est interpellée par un agent en civil. Elle disparaît dans l’un des cars. Une sirène retentie violement dans le quartier. Un véhicule blindé et munie d’un canon se poste devant le bâtiment. Une femme s’approche du commandant et lui présente son assistant personnel.
- Il semble qu’il n’y ait plus personne à l’intérieur du bâtiment commandant.
- Merci. Vous en êtes sure ?
- Oui. Tous les capteurs indiquent qu’il n’y a qu’un seul homme.
Alors le commandant rend l’objet à la femme et reprend le mégaphone.
- Istratant, sortez sinon nous devrons faire usage de la force.
- Vive la république !!! cri Istratant.
Le vent…, puis un chat monte sur le toit du bâtiment et rentre par l’une des nombreuses fenêtres. Istratant prend son assistant personnel et entame un enregistrement. À ce moment, une explosion colossale détruit l’édifice et projette dans la rue, projectiles et poussières. Les trois cars sont retournés. Les passants sont projetés sur le sol, les policiers sont secoués par ce qui vient de se passer. Quelques-uns reste même sur le sol, alors que le commandant se relève péniblement.
- Que c’est-il passé ? Qui peu m’expliquer ce qui se passe ? d’une voix affirmative.
Silence. Seulement un bruit de flammes, de crépitement, les quelques alarmes qui se sont déclenchées. Rien d’autre.
Estelle, dans le bus, se relève doucement, ne comprenant pas ce qui ce passe. Elle ouvre les yeux et se rend compte que le bus est couché, que les deux policiers qui étaient avec elle sont dans les vaps, et que la porte grillagée est défoncée. Elle se fraye un passage et n’a pas fini de sortir que déjà les sirènes des ambulances se font entendre en une symphonie asynchrone... Le bruit alentour, la panique, la rue, les passants, la police. Certains gémissent, d’autres pleurs. Estelle se dit que c’est le moment ou jamais d’en profiter et de sortir de la le plus rapidement possible. Elle découvre le bâtiment, ou du moins, ce qu’il en reste. Un monceau de béton incandescent, hurlant de ses reflux une fumée brûlante. Elle pense tout de suite à Istratant. La peur et la tristesse l’assaillent, mais elle se fraie un chemin vers la bouche de métro la plus proche en disparaissant dans la foule intriguée.

Dans le long couloir du métro, la lumière clignote frénétiquement. Elle se dit alors que l’explosion a été très puissante et que les dégâts doivent être très nombreux. Les panneaux publicitaires numérique ne fonctionnant plus très bien ; elle arrive quand même à se diriger. Il lui semble remarquer que les gens allant et venant dans le métro semble aussi avoir ressentis quelques chose de l’explosion. De plus en plus perdue, Estelle décide de demander au premier venue si il sait ce qui c’est passé.
- Ne restez pas là ma p’tit dame, je crois qu’il y a eu un attentat vers le siège du bâtiment administratif de Ouékoumène.
L’homme repart aussitôt et laisse Estelle, immobile et essoufflée dans les couloirs du métro. Les lumières clignotent toujours et il lui semble apercevoir une rame arrivée au quai. Elle décide de prendre sur elle et d’aller dans celle-ci.
- Est-ce encore une coïncidence ? se demande-t-elle. Que c’est-il passé ?
Elle rentre dans le métro et s’assied. La rame prend son élan dans l’agitation la plus totale. Assise, elle regarde machinalement dans son sac et fait tomber son petit miroir de poche sans s’en rendre compte. Elle prend son assistant personnel et regarde si l’attentat est déjà aux informations. Au moment de la connexion, un message apparaît.
- Citoyens de Ouékoumène, n’oubliez pas de voter ce soir. C’est important pour vous et pour ceux qui font changer les choses.
Sans vraiment y prêter attention, elle découvre qu’elle a reçu un message interactif d’Istratant. Au moment de le consulter, la lumière du wagon disparaît, la rame freine brutalement, et son assistant personnel s’éteint. Tous les appareils s’éteignent à l’unisson et le train s’arrête heureusement, à la station la plus proche. Estelle se lève et se dirige alors, et le plus rapidement possible vers la sortie la plus proche. Dans la foule, la bousculade est inévitable. Estelle trébuche, et tombe. La terre tremble, encore. Estelle se dit que ça recommence. Elle essaie de se relever mais quelqu’un la pousse violement contre le mur et sa tête heurte le sol lorsqu’elle tombe. Elle essaie d’ouvrir les yeux, n’y parvient pas. Elle tombe au moment où une explosion se fait entendre.



Le réveil est chaotique, Estelle se demande si ce qui vient de se passer est vrai. Istratant, le matin, le rendez-vous. Elle se demande au plus profond d’elle même si le temps lui à laisser son pourceau de seconde à accomplir ce qu’elle devait faire…

11.5.06

La main de Jérôme sursautait...

Jérôme Spinétas était assis à l’arrière du carrosse hydraulique à sustentations magnétiques. L’appareil filait dans l’aéroconduit et se dirigeait vers le bâtiment des congrès, devenu un lieu de réceptions médiatiques. Il devait retrouver Istratant là-bas et il avait pris un peu de retard, à cause des coups de fils qu’il avait reçus au sujet de l’allocution de ce matin. Ses cheveux cour étaient coiffés en arrière, et juste au-dessus de son front, un pic rassemblait la seule touffe longue de son cuir chevelu. Il portait deux boucles d’oreille, chacune renfermant respectivement, assistant personnel informatique et téléphone. Deux petit vers ovoïdes trônaient devant ses orbites ; ils étaient entourés d’un souple filament qui remontait ses pommettes pour se perdre au contact des boucles.
Sa main était posée sur son genou, et ses doigts bougeaient frénétiquement, comme sauvages dans cet environnement trop calme, trop léché, trop posé. Une très belle main féminine vint se posée sur la sienne, ferme et sereine. Les doigts stoppères et devinres dociles immédiatement. Seul son indexe, comme pour exulter un dernier sursaut, un dernier souffle tapota trois fois la rotule. Comme pour proclamer une indépendance qu’il ne connaissait plus.
- Calme toi Jérôme. Tu te fais trop de soucis mon chat. Arrête avec tes mains, tu vas finir par faire sonner ton genou à ce rythme. Elle riait.
Ce rire était la plus belle chose pour Jérôme. Elle le réconfortait toujours.
- Tu sais Anaïs, je ne suis pas sûr que nous ayons conscience de ce que nous faisons avec Istratant. C’est mon ami, et je l’envoie au casse-pipe. Ne peut-on pas faire autrement ?
- Arrête, avec cette complainte-là tu n’auras pas ce que tu désires, un monde meilleur, comme tu le dit si bien. Tu es comme ça Jérôme ! Et puis le pouvoir, l’argent ne sont pas négligeables.
Jérôme regardait dehors, il cherchait un point, quelque part, comme si quelque chose l’avait interpellé. Mais il n’y avait rien d’autre, dans l’aéroconduit, sinon quelques Slamuits perdus, qui essayaient de se cacher ici et là.
- Istratant n’est pas négligeable !
La main de Jérôme sursautait, repoussant celle d’Anaïs violement.
L’appareil prenait de plus en plus de vitesse et commença à prendre une immense montée. La vitesse croissait au fur et à mesure que l’aéroconduit s’élevait. Dans le ciel de la cité de Ouékoumène, alors que des milliards de lumières annonçaient le début d’une nouvelle nuit sur le monde, un projectile sorti du petit tube telle une fusée dans le ciel noir pour se diriger vers une tour de plusieurs centaines de mètres.

Comme si la télé était partout !





- Pourquoi les gens sortent, ici et là, pour protester ? Ils essaient de faire quelque chose. Ce n’est pas de manière irréfléchie. Regarder la télévision toute la journée, manger toute la journée, se droguer toute la journée, c’est ça qui est irréfléchie et que la société à laisser faire jusqu’à maintenant. C’est triste et affligeant pour les gouvernements. C’est violent. Il y a des signes, de plus en plus évidents, partout, qui démontre que la vie dans le consumérisme, n’est pas une vie satisfaisante.

Sur la place du Grand Château d’eau, plus de dix milles Slamis regardaient l’allocution sur l’écran géant. Le marché s’était arrêté, et maintenant un silence régnait. Les lèvres d’Istratant étaient la cible du champ de vision de chacun. Chacun donnait écho à ses propos là. Pour la première fois depuis longtemps, l’attention de chacun dans la rue était captivée par le discours d’un seul homme.

Jérôme Spinétas répondant :

- Nous ne pouvons pas laisser les gouvernements du monde agir de manière terroriste. Nous voulons avec Ouékoumène, trouver la solution la plus proche à une société équilibrée.

- La détermination de consommer vous terrorises ! Nous sommes effrayés à l’idée d’être des consommateurs. Nous avons la liberté de choisir entre une qualité A ou B ou C. Voilà l’actuelle définition de la liberté !

Un vendeur de caleçons regardait son étalage, songeur, puis son visage se redressa rapidement vers l’écran géant.

- Nous ne pouvons pas laisser les gouvernements du monde affirmer leur objectif de terroriser nos nations au point de ne pas nous laisser un autre choix que la consommation. Et…
-
Silence…
Devant son petit projectovisuel, Estelle regardait aussi. Elle souriait. Elle se disait qu’un nouveau départ était proche, que le grand changement pourrait arriver d’une minute à l’autre.

- La folie est de croire qu’il faut constamment travailler pour consommer ; c’est de la pure folie. Cela détruit tout, et cela doit disparaître. Chacun doit avoir le droit de contribuer à la construction d’un monde meilleur. Il n’y a plus de valeur ni de sens à maintenir ce system. C’est une question de corruption globale. Les gens sont forcés d’avoir à l’esprit ; qu’ils doivent posséder. Toutes ces choses que nous amassons ne sont rien, nous disparaîtrons sans elles. Et je sais que personne n’adhère a ce mode de vie, mais que faire alors ? Il faut arrêter ça, et le détruire. Les leaders de la ligue de consommation mondial ne cessent de proclamer haut et fort : -« nous aurons un bon monde »… C’est faux. Car je le répète :La volonté de consommer vous terrorises. Ouékoumène peut vous éclairer.

Sur le marché, une vieille dame touchant différentes étoffes pour en évaluer la qualité fait signe aux gens qui l’entour d’écouter cet homme. Elle ricane. Et que propose-t-ils alors ? Dit-elle en repoussant une étoffe dans son bac.

- Nous proposons un programme de télé réalité dans lequel chacun pourrait participer et proposer une loi aux peuples. Ainsi les décisions seraient communes et permettraient de faire bénéficier du meilleur aux populations. Le jeu évoluera bien sûr. Et certain gagnerons des choses importantes, comme des droit, lorsqu’ils n’en ont pas, un logement, plus de privilèges, je ne sais pas, mais construisons ça. Tous ensemble.
Et je crois sérieusement, qu’aujourd’hui, les jeunes n’ont pas de future. Et je crois que chacun dans le monde peut sentir le pouvoir de ces immenses et énormes groupes multinationaux qui commence vraiment à dominer le monde et ses règles. Leur cri de guerre est : DOMINER LE MONDE, DOMINER LE MONDE…Le notre est : NON ! le notre est la réflexion.

Sur ce, Istratant reprend la parole. Les foules clament, applaudissent, aiment ce qu’elles regardent avec un entrain jamais encore atteint par les médias. Jérôme produit un sourire, en regarde amicalement Istratant qui finit :

- Ces immenses et monstrueuses multinationales qui dépenses des milliards de dollars par ans pour essayer de nous vendre du prêt-à-manger, des voitures, des ordinateurs… C’est cela qui à un impact colossal sur nous. La publicité est l’outil de communication le plus évolué de toute l’humanité, et regardez à quoi elle sert. Vous êtes assis là, dans votre fauteuil, passif, vous n’avez rien à dire, et dehors, il y a des gens malin qui font des spectacles télévisés fantastiques, commerciaux. Ce sont les puissants producteurs d’informations, ce sont des producteurs de sens. Et vous êtes les consommateurs passifs de ce sens. Et ce sens EST non-sens. C’est pour la plupart du temps de la propagande. C’est l’endoctrinement de la culture de consommation. Vous croyez alors que le bonheur veut dire, « acheter », encore et encore, noël tous les jours, toutes les occasions sont bonnes… Non, il faut arrêter ça.
-
*

Istratant était immense sur l’écran géant de la place du Grand Château d’eau.
Istratant tremblait sur le petit projectovisuel d’Estelle.

Les deux hommes s’étaient unis dans ce combat. Le jeu commença le soir même avec la définition des règles de base.

Règle générale : Proposition d’une loi pour la société.

Règle 1 : Chacun peu participer.
Règle 2 : Un gagnant par jour et par loi promulguée.
Règle 3 : Etablissement d’une nouvelle citoyenneté pour les participants ayant établis
une loi à l’unanimité des spectateurs.
Règle 4 : Y croire ! Ouékoumène remplacera progressivement l’état et la gestion des ressources humaines !

10.5.06

Signalisation.




La signalisation lui indiquait qu’elle approchait. Une fumée blanche s’échappait du capot, Estelle admirait le soleil se coucher sur les marécages. Les reflets orange, pourpres, écarlates des nuages sur les lacs. Les épaves de paquebots, les pétroliers, les transporteurs, les voiliers échoués sur des aires plus ou moins profondes donnaient, a cette heure une couleur mystique au paysage. Elle pouvait presque sentir l’odeur de rouille des passerelles encore utilisées par certains Slamis. Maintenant, ces navires étaient devenus des habitations clandestines, et il en demeurait plusieurs dizaines de milliers sur le sud de tout le pays, qui avait été inondé par un raz-de-marée extraordinaire au début du siècle.
Elle savait qu’elle approchait de la citée inondée, renommée, Néo-Spartia. Au loin, elle devinait déjà le grand pont, puis les tours inondées. Telle la mythique Venise, Néo-Spartia était une ville bateau, peuplée d’habitant amphibiens, qui avaient élaboré des passerelles, des ruelles suspendues, des jardins, toute une ville au-dessus de la mer. Cette citée n’avait pas ses fondations au sol après tout, mais dans les airs. Tout était suspendu aux tours qui émergeaient des eaux...
La ville s’était construite d’exclus, de renégats, de terroristes, mais beaucoup d’intellectuels y étaient partis aussi. Des artistes également. Ils avaient tous fuient les prémices de Ouékoumène, la société de démocratie totalitaire qui naquit lors du XXIe siècle. Estelle avait peur, elle avait entendu tellement de mal de Néo-Spartia à Ouékoumène. Les médias avaient proclamé la zone condamnée par différents fléaux civilisationel et l’avaient prohibée sous peine d’expatriation absolue.
Les jeunes y vivaient en groupes : l’éducation physique était la plus importante, au détriment du développement intellectuel. Pour devenir adulte, le Néo-Spartia devait passer une série de tests, et participer à un jeu de télé réalité. Ils étaient envoyés par bande dans la périphérie de la citée et devaient survivre pendant trente jours. Ils étaient filmés et éliminés par vote. Une milice s’occupait de faire disparaître ceux qui n’étaient pas choisis, chaque soir pour continuer leur épreuve le lendemain. Le ou les gagnant obtenait le statut ou titre de Slamuit de Néo-Spartia. Et il ou ils pouvaient prendre part à la gestion de sa cité. Mais ils devaient vivrent en communauté jusqu'à l’âge de trente ans, avant de pouvoir espéré participé au grand jeu mondial de citoyenneté : Ouékoumène.

Devant le poste de la milice locale, la petite voiture d’Estelle s’arrêtait. Elle sortait et s’étirait car la route avait été longue. Sur le siège du passager, son agenda personnelle sonnait. S’était Irma qui lui disait que Nicolas avait disparut dans la manifestation. Qu’elle avait perdue sa trace et qu’elle avait essayée de fuir avant de s’être faite arrêtée pour un contrôle d’identité. Estelle regardait le message, consterné. Irma lui demandait si elle avait eu de nouvelles. Mais non, rien. Et il n’était pas joignable ; plus joignable car sa ligne était en dérangement.
Elle traversa le trottoir pour se diriger vers le petit poste de milice. Arrivée devant ; un guichet vétuste, une petite queue de quelques personnes. Dans la rue, derrière, des mouvements de protestations. Elle entendait diverses paroles.
- Allons nous présenter au nouveau jeu ; dix mille participants cette fois-ci ! Et un gain exceptionnel.
- Oui, il faut participer au jeu… Allons nous inscrire !
- Oui, c’est pourquoi ?
- Bonjour, Mademoiselle ?
- …
- Mademoiselle ? Hou-hou ?
- Ah oui, pardon. Excusez-moi, je viens de Ouékoumène. Heu, je ne sais pas trop comment m’organiser. J’ai pris ma voiture et je suis venue le plus rapidement ici. Vous avez appris ce qui se passait ? Vous avez des nouvelles ?
- Ah oui, Ouékoumène. Heu, vous voyez miss, je ne sais pas quoi vous répondre. J’ai pas le temps de voire les infos, surtout qu’ici, on a pas d’info officielles, vous savez. On est qu’une petite milice de proximité.
- Je vous explique, j’ai fui Ouékoumène, je ne suis pas citoyenne, je viens du quartier périphérique, là où sont les voiliers et les accès à la mer. Je ne sais pas quoi faire, je suis aller à Ouékoumène pour faire des études de citoyenneté, et mes amis sont encore là-bas. Dites-moi, vous organisez quelque chose localement pour vous protéger de ce qui arrive.
- Ça nous concerne peu ici, ils ne vont pas venir ici, on est sur la Terre des Slamuits. On est méchant ici vous savez bien ! On est pas cultivé et on a accès a rien. Alors que viendrait-ils faire ici?
- Pardon, j’ai juste envie de savoir ce qui se passe. Ça a été très violent, ce matin. Il y a eu des morts et je crois qu’il y a eu un coup d’état là-bas.

Ouékoumédia. Discours d’Istratant Slamuit, La réforme sociale du 29 Septembre 2158.



Estelle était chez elle. Elle regardait l’allocution des deux hommes. Elle se demandait qui pouvait bien être Istratant et ne comprenait pas. Elle rentrait tout juste de la fac. Ses examens se passaient bien. Normalement, elle aurait son diplôme sans trop de casse se disait-elle. Elle, qui habitait avec sa tante. Une maison entièrement recouverte de zinc. Elle devait aller rejoindre Nicolas sur les barricades. C’était le temps des manifestations des « Jeunes » comme le disaient les médias. Le mouvement battait grand train et Nicolas était à la tête des contestations. La crise économique actuelle lui faisait très peur et elle avait consultée sur Internet tous les sites regroupant analyses et prospections pour l’avenir proche de sa génération. Mais-elle n’y avait rien compris de plus qu’a la lecture d’une partition de Wagner.

Son téléphone portable sonna. C’était Irma, la fille d’Istratant.
- Estelle, c’est terrible. Nous allons devenir des non-citoyens. Ils sont en train de changer les constitutions, les réformes fusent, l’état disparaît.
- Attends, calme toi. Ton père travaille sur le projet. Ne t’affole pas comme ça. On se rejoint avec Nicolas devant le bureau de quartier.

En raccrochant, elle se rend compte qu’elle vient de recevoir un message. Un message de Nicolas qui lui disait de ne pas venir ; que les choses tournaient mal, et qu’il lui recommandait de se cacher.

Estelle se retourne et regarde la télé à ce moment. Un hélicoptère filme la place du bureau de quartier. Plus de 10 000 manifestants sont là, entourés par des cars de police. Éparses, des fumeroles et de petites explosions disent l’instabilité qui règne. La police charge dans la foule et la scène devient d’une violence jamais montrée à la télévision. Deux hélicoptères entourent alors celui de la chaîne de télévision, la caméra montre qu’ils sont armés. On aperçoit un missile qui part en direction de la place et l’image disparaît. Le programme est coupé. Sur l’écran, on peut lire :
« Ouékoumène, la télévision qui vous éclaires »
Ouékoumène V 1.0
La voix d’un présentateur explique :

- Les médias sont dorénavant la propriété de tous. Les manifestations vous seront commentées dans la soirée. Nous avons gagné !

Stupéfaction d’Estelle. Ses mains sont sur sa bouche. Le bruit d’une explosion se fait entendre dehors. Elle sort et aperçoit un hélicoptère qui fond vers ce qu’elle devine être la place de la manifestation. Celui des média, lui, pique vers une rue et s’écrase semble-t-il. Horrifiée, elle commence à pleurer. Elle voit un nuage de fumée gris disparaître dans les airs au-dessus de la place.
- Nous avons gagné !
- Non, ce n’est pas possible. C’est un cauchemar. Estelle court dans sa chambre et se fait un sac avec quelques affaires. Dans le salon, elle ouvre un grand placard, sort de celui-ci une boîte métallique. Dedans, beaucoup d’argent liquide. Elle prend la boîte et la met dans son sac. Sur le terminal multimédia de la maison, elle insert ses carte de crédits et fait un retrait complet en tapotant sur le clavier lumineux. Une quinzaine de papiers sortes de l’imprimante intégrée. Ce sont des bons de paies. Elle court alors dehors et rentre dans la petite voiture de sa tante. Elle se rend compte qu’elle a oublié quelque chose. Au loin, elle entend le vacarme de milliers de sirènes. Il lui semble qu’ils se dirigent dans sa direction. Elle court vers la maison et laisse un mot a l’attention de sa tante. Dehors, elle entend le bruit violent d’un véhicule arriver dans la rue voisine. Des coups de feu, des hurlements. Elle sort, entre dans la voiture. Elle allume le contacte et prend la direction du sud, la zone inondée. Peut-être qu’elle ne sera pas la seule a aller par là. Des larmes coulent sur son visage. Elle tremble. Dans les rues, des familles entières sortent de chez elles. Certains semblent hostiles, d’autres effrayés. Elle entrevoit quelques fois des véhicules de police. À un carrefour, elle est témoin d’une scène affreuse. Un corps de policier tire à vue sur les passants.
- C’est la révolution. Se dit-elle.
Sa voiture disparaît sur une bretelle ; elle prend la grande route qui mène vers les terres abandonnées.

Pour quelques moments d'air saint...

Les mains de la fonctionnaire du bureau administratif remuaient sur le petit clavier lumineux à inversion de pressions. Chaque toucher sur un symbole ouvrait sur l'écran holographique un menu accompagné d’une photo de la personne sujette du dossier ouvert. En ce lieu, il était question de Nicolas. Au bas de la page informatique; une mention en surbrillance rouge, entourée de jaune indiquait :

Dossier spéciale, toutes autorisations accordées, sauf projet OKM V1.0 bêta.

Les doigts caractériels de la femme effectuaient une danse méticuleusement vectorielle, allant çà et là. Ils dansaient sur le clavier de manière frénétique; Nicolas regardait le numéro artistique d'un oeil intrigué, il était pâle.

-Avez-vous dans votre entourage, des gens qui pourraient garantir de vos bonnes intentions?
-Oui, j'ai de la famille, mais ils sont loin.
-Alors ça devrait aller, nous acceptons votre dossier.
-Finalement, je préfère leurs demander directement.
-Très bien. (narquois)
-Je vous remercie madame.

Nicolas sortait du bureau. Il avait fait la queue pendant trois heures pour ces informations.
Arrivé à l'antenne Istrataniste de son quartier, il décidait d'archiver son dossier afin de construire son dossier le mieux possible.
Le rendez-vous qu'il avait ce soir avec Estelle l’intriguait, se pouvait-il que ce soit son Estelle ? Istratant lui avait demandé de l'aider à être admise. Nicolas pouvait se consacrer a ça pendant quelques heures.

Estelle Criantes lui avait envoyé un mail depuis Néo-Spartia et il commençait maintenant à voir à qui il avait à faire.
Istratant devait aussi le mettre en relation avec Irma, sa fille adoptive. Nicolas devait trouver le moyen d'aller à Néo-Spartia, et d'une manière ou d'une autre, le succès de son opération en dépendait. Il voulait court-circuiter les système d’élections de Ouékoumène, en mettant au grand jour, la corruption et les manipulations qui y étaient affiliés. Il avait presque tous les éléments pour y arriver. Maintenant, ne lui restait plus qu'a organiser son plan et a mettre en relation les différent protagoniste de son plan de révolution mineure. Car son but principal était de retrouver Estelle, la petite fille de son adolescence, a qui il avait fait le serment de l'épouser. Il savait qu'il était dans une ligne romanesque absolue et que son comportement semblait idéaliste, mais il n'avait plus q'une chose en tête à présent; l'amour. Oui, l'amour et l'absolu de sa propre vie, il se savait dans cette mouvance, car il ne lui restait plus rien, sinon l'espoir de combattre Ouékoumène avec cette énergie.